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Management fees : ce que dit la jurisprudence récente

Pierre-Ollivier Morand - Expert-comptable

24 sept. 2025

De l’affaire GAMLOR à Collectivision, comment sécuriser vos conventions face au risque fiscal

Les management fees (ou frais de management) sont des refacturations de prestations de services au sein d’un groupe : pilotage stratégique, assistance juridique, suivi administratif ou financier… Ils permettent à une société holding de facturer à ses filiales les frais liés à la gestion.

En principe admis par l’administration fiscale, ces frais doivent néanmoins répondre à des conditions strictes pour être déductibles :

  • les prestations doivent être réelles et effectives,

  • elles doivent être justifiées et documentées,

  • les montants doivent être proportionnés à l’intérêt économique de la société qui les supporte.


Jurisprudence récente : cas validés et cas rejetés


✅ Cas validé : CAA Versailles, 7 mai 2024 (n° 21VE01760)

La Cour a jugé qu’une société peut confier à une filiale des missions normalement dévolues à son dirigeant, sans que cela constitue un acte anormal de gestion, dès lors que les organes sociaux ont entendu rémunérer indirectement ce dirigeant et que les prestations sont réelles et documentées.


❌ Cas rejeté : CAA Paris – prestations d’animation interne

La Cour administrative d’appel de Paris a refusé la déduction de management fees, estimant que les prestations facturées ne dépassaient pas le rôle normal d’animation du groupe, absence de documents probants, refacturation forfaitaire, etc.


❌ Cas rejeté : affaire GAMLOR (CAA Nancy, 9 octobre 2003, n° 98NC02182)

La société GAMLOR versait à sa société mère une somme forfaitaire de 100 000 F en « frais de présidence » au titre d’une convention de direction. L’administration fiscale a remis en cause la déductibilité, estimant que ces sommes correspondaient à l’exercice normal des fonctions du dirigeant, sans prestation externe distincte. La CAA de Nancy a confirmé la position, retenant que ces charges n’étaient pas engagées dans l’intérêt direct de la société et ne comportaient pas de contrepartie réelle.


✳️ Cas pivot : l’affaire Collectivision


Contexte :

L’affaire Collectivision est aujourd’hui un arrêt de référence en matière de management fees et rémunération indirecte de dirigeant. Le cas oppose la société Collectivision à l’administration fiscale sur des conventions de prestations conclues entre la filiale et la holding du même dirigeant (M. A), en 2013, pour des missions administratives, financières, stratégiques, contrôle de gestion, outils, etc.


L’administration avait remis en cause la déductibilité des honoraires versés, les qualifiant d’acte anormal de gestion, au motif notamment que les prestations faisaient « double emploi » avec les fonctions normales du gérant, et que la convention manquait de contrepartie distincte.


Décision du Conseil d’État (4 octobre 2023, n° 466887)

Le Conseil d’État a posé un principe fondamental : la simple conclusion d’une convention de management fees ne constitue pas en soi un acte anormal de gestion, même si elle recouvre des fonctions relevant du mandat social, à condition que la société bénéficiaire prouve que ses organes sociaux compétents ont entendu rémunérer indirectement le dirigeant, et que ce versement comporte une contrepartie réelle.


Cette décision marque un adoucissement du régime strict antérieur (issu de la doctrine GAMLOR) : ne plus rejeter systématiquement des management fees dès lors qu’elles recoupent des fonctions de direction, mais exiger des conditions précises de preuve.


Le Conseil d’État a également annulé partiellement l’arrêt de la CAA Marseille (23 juin 2022) pour les articles litigieux, et renvoyé l’affaire devant la Cour de renvoi pour examen au fond.


Décision de la CAA de Marseille du 3 avril 2025 (n° 23MA02484)

Sur renvoi, la CAA de Marseille s’est prononcée de nouveau sur le fond, et a estimé que, dans les circonstances de l’affaire, les honoraires litigieux relevaient d’un acte anormal de gestion.


Elle retient notamment que :

  1. La société n’a pas produit de décision sociale explicite (assemblée générale, décisions des associés) validant la rémunération indirecte du dirigeant. Le simple rapport de gestion ne suffit pas.

  2. Les prestations inscrites dans la convention étaient présentées de manière trop générique, sans preuve de leur caractère technique ou distinct du mandat social du gérant. Il n’était pas démontré que les missions allaient au-delà des fonctions ordinaires du gérant.

  3. Le lien entre les prestations et l’intérêt de la société n’était pas suffisamment établi, ni le bénéfice concret pour la société.


Par conséquent, la Cour a jugé que les versements en litige étaient dépourvus de contrepartie pour la société et sortaient du cadre d’une gestion commerciale normale.


Rebondissements et actualité :


  • Cette décision de la CAA de Marseille du 3 avril 2025 vient confirmer que l’assouplissement juridictionnel apporté par le Conseil d’État ne dispense pas les entreprises d’un niveau de preuve élevé.

  • Certains commentateurs parlent de “suite et fin de l’affaire Collectivision”, arguant que la Cour de renvoi a finalement validé la thèse de l’administration : requalification des management fees en acte anormal de gestion.

  • Toutefois, d’autres praticiens notent que l’affaire reste une référence incontournable — le cas a mis en lumière les nouvelles exigences probatoires : validation sociale nette, description technique des prestations, distinction avec les fonctions du dirigeant commun.

  • Par ailleurs, l’arrêt Collectivision est accompagné d’une confirmation plus récente par le Conseil d’État : arrêt du 26 avril 2024 (n° 458958) confirme la possibilité de déductibilité des management fees à condition que les critères soient respectés (réalité, non excès, décision des organes sociaux).



Encadré chronologique : décisions clés sur les management fees



  • CE, 4 octobre 2023, n° 466887 (Sté Collectivision) : principe selon lequel une convention de management fees ne constitue pas en soi un acte anormal de gestion, si les organes sociaux ont entendu rémunérer indirectement le dirigeant, et que le versement comporte une contrepartie.


  • CAA Marseille, 3 avril 2025, n° 23MA02484 : sur renvoi, la Cour juge que, en l’espèce, les honoraires litigieux constituent un acte anormal de gestion du fait de l’absence de décision sociale explicite et d’une documentation insuffisante.


  • CAA Versailles, 7 mai 2024, n° 21VE01760 : validation de management fees dans un contexte où la convention avait été ratifiée par l’assemblée générale et les organes sociaux compétents, et les prestations bien identifiées.


  • CAA Nancy, 9 octobre 2003, n° 98NC02182 (GAMLOR) : menant à la doctrine classique, requalification de frais de présidence en charges non admises, faute de contrepartie réelle.


  • CAA Paris, 10 octobre 2018, n° 17PA02373 (Fideclic) : rejet de management fees dans un contexte d’absence de justification détaillée.



Bonnes pratiques (à renforcer compte tenu de Collectivision)


À la lumière des décisions récentes, voici ce qu’il est plus que jamais impératif de faire :

  • Décision sociale explicite : veiller à ce que les organes compétents (AG, conseil d’administration, assemblée des associés) valident la convention de prestations et la rémunération indirecte, et que cette validation soit formellement consignée.

  • Rédaction très précise de la convention : définir clairement chaque mission, les ressources engagées (temps, personnel, outils), le périmètre distinct des fonctions du dirigeant.

  • Preuve matérielle des services rendus : rapports détaillés, temps passé, éléments de suivi, justificatifs techniques.

  • Cohérence économique : les montants facturés doivent être proportionnés aux prestations et à l’intérêt réel de la société bénéficiaire.

  • Transparence dans le rapport de gestion : mentionner dans le rapport les décisions d’approbation, le détail de la convention, la justification de la rémunération indirecte.


Conclusion


L’affaire Collectivision a profondément marqué le droit des management fees en France. Le Conseil d’État a ouvert la possibilité de rémunérer indirectement un dirigeant même si les missions recouvrent des fonctions de direction, mais sous conditions très strictes. La CAA de Marseille du 3 avril 2025 a renvoyé un signal clair : l’assouplissement n’exonère pas du devoir de preuve.


En d’autres termes : la sécurité fiscale des management fees ne se joue plus uniquement sur le principe, mais sur la qualité documentaire — c’est aujourd’hui l’enjeu majeur pour les groupes souhaitant structurer des conventions intra-groupe.



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Commissaire aux comptes inscrit auprès de la Cour d'Appel de Paris.

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